Sébastien Kardinal – créateur du site VG-Zone et auteur du livre ‘A la Française’

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Sur la route qui nous mène à notre première édition parisienne de VeggieWorld en avril, nous continuons de rencontrer toujours plus d’acteurs et de personnes engagées dans le mode de vie végétalien, à plusieurs niveaux. C’est aujourd’hui Sébastien Kardinal qui nous a fait le plaisir de répondre à nos questions, à l’occasion notamment de la sortie de son livre de cuisine végétalienne « À la française » sorti en mai dernier. Avec deux autres livres à son actif, et un blog qui regorge de conseils pour les hommes qui souhaitent adopter un mode de vie respectueux des animaux, Sébastien est un acteur incontournable plein d’astuces, de bonnes idées et de convictions.

1) Sébastien, votre livre de cuisine vegan « A la Française » est sorti il y a quelques mois, pouvez-vous nous le présenter ? Pourquoi avoir fait ce livre ? Des traductions sont-elles prévues ?

Mon dernier livre en date « À la française » est, comme son nom l’indique, un ouvrage dédié à la gastronomie française que j’ai végétalisée de fond en comble à travers 40 recettes salées. Le but pour moi était de respecter l’aspect très traditionnel de ces plats qui font toute la gloire de notre cuisine nationale, tout en les transformant en plats végétaliens savoureux. C’est un sacré pari quand on sait que les légumes ne sont souvent là que pour servir de garniture aromatique et que ce sont avant tout la viande ou le poisson qui sont mis en avant. C’était donc aussi l’occasion de pouvoir montrer comment se servir du seitan, du tofu, du tempeh ou des protéines de soja texturé. Car, je me suis rendu compte que beaucoup de gens ne savent simplement pas comment cuisiner ces produits pourtant si emblématiques de l’alimentation végétalienne.

Au-delà de cela, la France est encore un pays très en retard sur la question du végétarisme, tous courants confondus. Nous sommes encore la patrie de la viande et du fromage où chacun défend son terroir, ses origines. Les familles sont profondément imprégnées par cet héritage et, il n’est pas du tout facile de faire comprendre qu’une autre voie est possible. J’ai fait ce livre pour tenter de réunir deux mondes qui s’affrontent. Mon message est simple : évoluer, n’est pas renoncer.

Je ne sais si les végétaliens du monde sont prêts à s’intéresser à la cuisine française végétalienne mais, mon éditrice m’a confirmé que cela suscitait la curiosité d’éditeurs Européens et Asiatiques. Trop tôt pour dire si ça va se faire et où exactement.

 

2) Vous suivez la scène végétalienne en France depuis des années, pourquoi, à votre avis, y a t- il si peu de fromages vegan, est-ce quelque chose « d’intouchable » en France ? La tradition est-elle trop forte ?

C’est la loi de l’offre et de la demande, tout simplement… La clientèle végétalienne est encore trop peu nombreuse pour vraiment être un marché porteur et source d’innovation. Et, en effet, ce n’est pas le type de produit qu’il est facile de vendre à des consommateurs lambda, pour qui ça ne peut pas être du « vrai » fromage s’il n’est pas fait avec du lait animal. La méfiance est grande et l’offre existante pas toujours très convaincante. Pour avoir été un très gros mangeur de fromage, je peux dire qu’on est loin de rivaliser en goût et en texture, même si il y a de véritables progrès hors de nos frontières. Car nous avons quand même du choix qui arrive à nous, avec des marques comme  Vegusto (Suisse), Wilmersburger (Allemagne), Cheezly (UK), Toffuti (USA), Frescolat (Italie) ou Bute Island (UK). La seule marque française c’est Le Sojami, c’est très bon mais on est sur du fromage frais à tartiner. Dans un pays avec plus de 1500 fromages, c’est loin de faire le poids. Parfois je me plais à rêver qu’un Normand se lance dans le Camembert végétalien ou qu’un alsacien nous sorte un Munster.

3) Nous avons noté une forte augmentation des restaurants et produits vegan depuis quelques années. Selon Socio Vision 3% de la population française mange végétarien ou végétalien, comment voyez-vous le marché évoluer dans les 5 – 10 prochaines années ?

La population française commence à prendre conscience que quelque chose ne tourne décidément pas rond au royaume de la viande. Cela a commencé en 1990, avec la crise de la vache folle, mais c’est un cheminement long. On a quand même le sentiment que le voile de l’illusion se déchire par endroits et que les gens veulent la vérité. Seulement, que vont-ils faire de cette vérité ?

Certains la rejettent en bloc criant au complot contre la « bonne bouffe », d’autres la modèrent en se réfugiant vers les viandes « bio » et une consommation plus réduite et enfin, il y a ceux qui franchissent le pas. D’où une offre qui s’accroît, pour notre plus grand bonheur. Mais combien de scandale autour de l’industrie de la viande va- t-il falloir pour une transformation en profondeur ? C’est très difficile à dire. Tant que la question ne sera pas prise au sérieux par les politiques, on ne peut pas attendre à une évolution majeure.

 

4) 42% des végétariens vivent à Paris. Selon vous pourquoi est-ce si centralisé en France ? A cause de l’offre ? Parce que Paris est une ville internationale ?

Il est assurément plus facile de vivre sereinement son végétalisme au quotidien à Paris. Ce n’est pas Londres, New York ou Berlin mais nous avons une concentration de choix bien plus importante que toute la France réunie, que cela soit en restaurants, snacks, boutiques bio. J’y vois plusieurs raisons. De bases, les parisiens de naissance n’ont pas ce rapport traditionnel au terroir, il est donc très facile de passer psychologiquement de l’anonyme barquette de bœuf haché à un steak de seitan. L’enjeu social n’est pas le même que dans certaines régions. Nous sommes finalement très détachés de la vision purement utilitariste des animaux.

Paris est aussi une ville qui a une culture cosmopolite et progressiste. La tendance vegan anglo-saxonne est donc plus susceptible d’être bien perçue et assimilée ici. Les influences sont nombreuses et profitables. Le marché s’ouvre donc plus naturellement aux nouveautés, même en matière d’alimentation. On peut aussi remercier tous les touristes végétariens et végétaliens qui viennent découvrir les charmes de la capitale. Car, c’est aussi grâce à eux et à leurs demandes que les restaurateurs sont obligés de se remettre en question.

 

5) Quel est le plus gros changement (physique, santé, réaction de vos proches…) que vous avez remarqué lorsque vous êtes devenu végétarien, il y a 30 ans, puis vegan, il y a 8 ans ?

Je suis devenu végétarien à l’âge de 14 ans et, comme chacun le sait le corps évolue beaucoup à l’adolescence. Je me suis donc affiné physiquement dans un premier temps et j’avais la sensation d’être plus endurant. En revanche, avec les années j’ai eu tendance à grossir à cause de consommation excessive d’œufs et de fromages. Surcharge pondérale, taux très élevé de cholestérol, troubles digestifs, surinfection des bronches au moindre petit rhume. Tous ces tracas m’ont fait remettre en question ma manière de m’alimenter que je pensais pourtant être saine. Le végétalisme c’est présenté à raison, comme une réponse évidente. J’ai perdu 18kg en 3 mois sans me priver, tous mes problèmes ont rapidement disparu et je n’ai pas revu un médecin depuis 8 ans. Ca a vraiment changé ma vie !

Je n’ai eu que des réactions encourageantes quant à mes choix alimentaires qui n’ont finalement pas étonné grand monde vu mes goûts. Au contraire, j’ai toujours observé beaucoup de bienveillance, de curiosité et je n’ai jamais souffert de végéphobie

6) Dans environ 2 mois ce sera noël. Que prévoyez-vous au menu pour les fêtes ? Quelles idées avez-vous pour nos lecteurs ?

Ma foi, je n’en sais encore rien. A vrai dire, c’est le genre de choses auxquelles je ne pense vraiment que trois jours avant la date festive. Mais ce ne sont pas les idées qui manquent. Soit je pars sur un concept traditionaliste avec mon Tofoie Gras en entrée, un velouté de topinambours, un rôti de seitan aux champignons sauvages en plat principal, une poêlée de légumes anciens aux épices de Noël, avec un Christmas pudding en dessert. Soit je la joue plus moderne façon Street Food chic avec des gyoza aux cèpes et crème de wasabi, Burger de tofu fumé, fondue d’échalotes au cognac et sauce à l’ail noir d’Aomori, Pommes frites fourrées avec une béchamel à la truffe et des pancakes aux fruits confits flambés au kirsch. Le plus important, pour moi, c’est l’esprit qui règne autour de la table avec les convives. Il faut faire avec ses connaissances et ses moyens sans se mettre la pression ou se ruiner.

 

7) Nous serions ravi de vous accueillir pour un atelier cuisine à Veggie World Paris en avril, si c’était le cas, quelle recette phare aimeriez-vous présenter au public, et pourquoi cette recette ?

Je serais ravi de venir partager mon savoir-faire et mes idées culinaires avec vous et les visiteurs du salon! J’imagine bien une recette encore inédite qui fusionnerait à la fois les deux univers que j’affectionne le plus : la Street-Food populaire et la gastronomie française. Cela peut être assez gourmand d’avoir une Blanquette façon kebab ou encore un Burger Bourguignon, non ?

 

8) L’objectif de Veggie World est de faire découvrir le mode de vie végétalien au plus grand nombre en favorisant la découverte de nouveaux produits, l’information et l’échange. Dans ce contexte, quel thème de conférence est incontournable et essentiel selon vous ?

Je pense que le côté pratique au quotidien est un grand oublié des thématiques généralement abordées lors de conférence liées au veganisme. Le côté éthique animal ou environnementaliste, le sport et la santé, ce sont des grands classiques. Quid de la mise en application réelle ? Soulever des questions philosophiques c’est indispensable mais, apporter des réponses pratiques et concrètes c’est tout aussi important selon moi.

9) Nous en venons maintenant à une question plus personnelle, en tant qu’amoureux des animaux : avez-vous un animal de compagnie ? Et si oui, le (ou les) quel(s) ?

Eh bien, je vais profiter de cette question pour casser un mythe. Je ne suis pas du tout un amoureux des animaux en général ! Mais je vis dans le profond respect de toute autre forme de vie animale. C’est une nuance qui a beaucoup d’importance car, j’estime qu’il n’est pas besoin d’aimer ou de comprendre pour avoir une attitude bienveillante et respectueuse, qui devrait être naturelle. Cela dit, nous avons un chinchilla qui partage notre vie. C’est un membre de la famille et nous avons un rapport très complice. Et dans cette relation, oui, il y a de l’amour pour ce petit être c’est indéniable.

10) Enfin, quels sont vos projets pour cette fin d’année et pour les années à venir ? D’autres livres en préparation ? Autre chose à nous présenter ?

Différents projets éditoriaux sont en cours mais il est encore trop tôt pour les dévoiler ici. Une chose est certaine, c’est que ce ne seront pas des thématiques vues et revues… Il y a encore tellement de sujets à explorer que ce serait dommage de ne pas en profiter.

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